Jean François Philibert BERTHELIER
Jean François Philibert BERTHELIER
acteur et ténor (trial) français
(Panissières, Loire, 14 décembre 1828* – Paris 9e, 29 septembre 1888*), enterré au cimetière de Montmartre (17e division).
Fils de Philibert BERTHELIER (Propières, Rhône, 1796 – Panissières, 01 juin 1841), notaire, et de Marie LACAND (Panissières, 13 janvier 1804 – Paris 9e, 07 février 1873*).
Epouse 1. à Paris 9e le 24 juin 1865* Marie Juliette Estelle FRASEY dite FRASEY-BERTHELIER (Paris ancien 5e, 16 août 1842* – Paris 9e, 25 décembre 1865*), actrice qui créa la Marquise dans les Bergers d'Offenbach.
Epouse 2. à Paris 8e le 24 octobre 1877* Marie Blanche Henriette CHARPENTIER (Paris ancien 2e, 22 octobre 1848* – 47 rue Laffitte, Paris 9e, 17 mai 1923*) [remariée avec Louis Isidore Henri POUPON (1858 – 1926), docteur en médecine].
Père de Philibert Pierre Louis BERTHELIER [2] (Paris 9e, 28 juillet 1878* – Carolles, Manche, 1941), comédien puis peintre [épouse à Paris 9e le 08 avril 1913* Jeanne LABAT].
D'abord employé dans une librairie à Lyon, puis chanteur au théâtre de Poitiers, il vint à Paris en 1850, chanta quelque temps dans les cafés-concerts, et débuta, en 1855, au théâtre des Bouffes-Parisiens dans les Deux aveugles. Il entra successivement à l'Opéra-Comique, où il joua dans Maître Pathelin, au Palais-Royal, aux Variétés en 1872 (la Veuve du Malabar, les Trente millions de Gladiator, la Boulangère a des écus), à la Renaissance en 1877 (le Petit Duc, la Marjolaine, la Petite Mademoiselle), aux Nouveautés de 1879 à 1886 (le Jour et la nuit, le Cœur et la main, l'Oiseau bleu, Babolin, le Petit Chaperon rouge), à la Gaîté en 1887 (le Bossu). A Bade, il avait créé le 10 août 1863 le Chevalier Nahel d'Henry Litolff. Il créa de nombreuses opérettes. Talent plein de verve et de naturel, il avait dans son jeu une finesse et une distinction qui empêchaient son comique de tomber dans la charge.
« M. Berthelier est ce qu'on appelle un comique de sang-froid, mais dont l'action sur le public n'en est pas moins puissante. C'est assurément l'un des artistes les plus fins, les plus originaux et les plus curieux à étudier qui se puisse rencontrer. » (Arthur Pougin, 1888)
En 1865, il habitait 23 rue Clauzel à Paris 9e, puis 42 rue des Martyrs à Paris 9e, où est décédée sa première femme. En 1878, il habitait 36 rue des Martyrs à Paris 9e. Il est décédé à cinquante-neuf ans, en son domicile, 47 rue Laffitte à Paris 9e.
Sa carrière à l'Opéra-Comique
Il y débuta le 12 décembre 1856 en créant Maître Pathelin (Aignelet) de François Bazin.
Il y créa également le 20 juin 1857 le Mariage extravagant d'Eugène Gautier ; le 26 janvier 1858 les Désespérés (lord Flamborough) de François Bazin ; le 02 juin 1858 les Fourberies de Marinette de Jules Creste ; le 16 décembre 1858 les Trois Nicolas (Trial) de Louis Clapisson ; le 12 août 1859 Voyage autour de ma chambre (Clairvoyant) d'Albert Grisar ; le 23 avril 1860 le Château Trompette (Frigousse) de François-Auguste Gevaert ; le 28 août 1860 le Docteur Mirobolan (Grand Simon) d'Eugène Gautier ; le 24 décembre 1860 Barkouf de Jacques Offenbach ; le 18 mars 1861 Maître Claude (Bouton de Rose) de Jules Cohen ; le 17 juin 1861 Marianne (Jean-Pierre) de Théodore Ritter ; le 11 décembre 1861 les Recruteurs d'Alfred Lefébure-Wély.
Il y participa le 28 mai 1858 à la première des Deux aveugles (Giraffier) de Jacques Offenbach, qu'il avait créé aux Bouffes-Parisiens.
Il y chanta de 1856 à 1862. Le 16 décembre 1862, il a chanté la 1.000e de la Dame blanche (Dickson) ; le 25 décembre 1862, il a chanté la 50e de Rose et Colas (Leroux). |
Berthelier et Pradeau dans les Deux aveugles, représentés le 05 juillet 1855 aux Folies-Marigny
opérettes créées
les Deux aveugles (Giraffier) de Jacques Offenbach (Bouffes-Parisiens, 05 juillet 1855) Une nuit blanche (Hercule) de Jacques Offenbach (Bouffes-Parisiens, 05 juillet 1855) le Rêve d'une nuit d'été de Jacques Offenbach (Bouffes-Parisiens, 30 juillet 1855) Une pleine eau du comte d'Osmond et Jules Costé (Bouffes-Parisiens, 29 août 1855) le Violoneux (Pierre) de Jacques Offenbach (Bouffes-Parisiens, 31 août 1855) le Duel de Benjamin (Benjamin) d'Emile Jonas (Bouffes-Parisiens, 20 octobre 1855) Périnette de Jacques Offenbach (Bouffes-Parisiens, 29 octobre 1855) Ba-ta-clan (Ké-ki-ka-ko) de Jacques Offenbach (Bouffes-Parisiens, 29 décembre 1855) Avant la noce d'Emile Jonas (Bouffes-Parisiens, 24 mars 1865) les Douze innocentes d'Albert Grisar (Bouffes-Parisiens, 19 octobre 1865) les Bergers (Myriame ; Colin ; Nicot) de Jacques Offenbach (Bouffes-Parisiens, 11 décembre 1865) l'Ile de Tulipatan (Cacatois XXII) de Jacques Offenbach (Palais-Royal, 30 septembre 1868) Petit bonhomme vit encore (Belleface) de Louis Deffès (Palais-Royal, 19 décembre 1868) la Revanche de Candaule de Jean-Jacques Debillemont (Vaudeville, 28 octobre 1869) la Princesse de Trébizonde (le prince Casimir) de Jacques Offenbach (Bouffes-Parisiens, 17 décembre 1869) le Testament de Monsieur de Crac (Isolin de Castafiol) de Charles Lecocq (Bouffes-Parisiens, 23 octobre 1871) Boule de Neige (le Caporal) de Jacques Offenbach (Bouffes-Parisiens, 14 décembre 1871) le Docteur Rose (Coronini) de Federico Ricci (Bouffes-Parisiens, 10 février 1872) les Cent vierges (le duc Anatole de Quillenbois) de Charles Lecocq (première française, Variétés, 13 mai 1872) les Braconniers (Lasteconérès) de Jacques Offenbach (Variétés, 29 janvier 1873) la Veuve du Malabar (le nabab Kerikalé) d'Hervé(Variétés, 26 avril 1873) les Prés Saint-Gervais (Narcisse) de Charles Lecocq (Variétés, 14 novembre 1874) le Manoir de Pictordu (Saturnin de Pictordu) de Gaston Serpette (Variétés, 28 mai 1875) la Boulangère a des écus (Flammèche) de Jacques Offenbach (Variétés, 19 octobre 1875) Kosiki (Xicoco) de Charles Lecocq (Renaissance, 18 octobre 1876) la Marjolaine (Palamède) de Charles Lecocq (Renaissance, 03 février 1877) la Tzigane [version française de la Chauve-Souris] (Zappoli) de Johann Strauss (première française, Renaissance, 30 octobre 1877) le Petit Duc (Frimousse) de Charles Lecocq (Renaissance, 25 janvier 1878) la Camargo (Pont Calé) de Charles Lecocq (Renaissance, 20 novembre 1878) la Petite Mademoiselle (Taboureau) de Charles Lecocq (Renaissance, 12 avril 1879) la Cantinière (Rastagnac) de Robert Planquette (Nouveautés, 26 octobre 1880) le Jour et la nuit (Don Braseiro de Tras os Montes) de Charles Lecocq (Nouveautés, 05 novembre 1881) le Cœur et la main (le Roi) de Charles Lecocq (Nouveautés, 19 octobre 1882) le Droit d'aînesse (Tancrède) de Francis Chassaigne (Nouveautés, 27 janvier 1883) le Premier baiser (Zug) d'Emile Jonas (Nouveautés, 21 mars 1883) le Roi de carreau (Tirechappe) de Théodore de Lajarte (Nouveautés, 26 octobre 1883) l'Oiseau bleu (Bricoli) de Charles Lecocq (Nouveautés, 16 janvier 1884) Babolin (Karamatoff) de Louis Varney (Nouveautés, 19 mars 1884) la Nuit aux soufflets (Hercule III) d'Hervé (Nouveautés, 18 septembre 1884) le Château de Tire-Larigot (le marquis de Val-Pointu) de Gaston Serpette (Nouveautés, 30 octobre 1884) la Vie mondaine (Chiquito) de Charles Lecocq (Nouveautés, 13 février 1885) le Petit Chaperon rouge (Bardoulet) de Gaston Serpette (Nouveautés, 10 octobre 1885) Serment d'amour (Gavaudan) d'Edmond Audran (Nouveautés, 19 février 1886) Adam et Eve (Adramalec) de Gaston Serpette (Nouveautés, 06 octobre 1886) la Princesse Colombine (le sénéchal) de Robert Planquette (Nouveautés, 07 décembre 1886) Ninon (Benoît) de Léon Vasseur (Nouveautés, 23 mars 1887) Dix jours aux Pyrénées (Chaudillac) de Louis Varney (Gaîté, 22 novembre 1887) le Bossu (Cocardasse) de Charles Grisart (Gaîté, 19 mars 1888) le Dragon de la Reine (Cornensac) de Léopold de Wenzel (première française, Gaîté, 31 mai 1888)
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programme d'un concert donné par Berthelier à Panissières le 17 juillet 1875 [don de la ville de Panissières]
Beaucoup de talent pour composer ses rôles. Berthelier est un chercheur infatigable. Il lui faudrait l'obélisque pour produire un effet, qu'il arriverait, soyez-en certain, à le faire figurer où il en aurait besoin. Berthelier est un agréable trial qui n'a qu'un défaut, mais il est capital : c'est son accent. C'est le parler normand d'Agnelet dans Maître Pathelin. Il est l'exemple le plus frappant de la volonté de parvenir ; il est parti de bas, d'un café-concert de la rue Contrescarpe, et en quinze ans, a passé par les Bouffes, le Palais-Royal et l'Opéra-Comique, et a chanté dans tous les salons de Paris et dans toutes les villes d'eaux d'Europe. Il est arrivé, à force de travail, à conquérir une belle position. En dehors de son théâtre, il se fait vingt-cinq à trente mille francs par an. Propriétaire de quelques immeubles à Montmartre, il excite la jalousie de quelques-uns de ses confrères, qui l'accusent de trop tirer la couverture à lui… mais il s'en arrange si bien que le public ne peut lui en vouloir. Comme la fourmi, n'est pas préteur. (Yveling Rambaud et E. Coulon, les Théâtres en robe de chambre : Bouffes-Parisiens, 1866)
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Berthelier
Né à Panissières, où son
père était notaire. Il obtint dès l'âge de onze ans des succès dramatiques,
en figurant dans une représentation donnée, à l'occasion de la distribution
des prix, par les élèves de l'Ecole normale de son département. Placé plus
tard chez un libraire de Lyon, nous le retrouvons ensuite à Poitiers,
chantant au théâtre le rôle de Fernand dans la Favorite. En 1850, il
est attaché à Paris au café-concert de la rue Contrescarpe ; en même temps,
il obtient quelques succès encourageants dans divers salons et prend les
leçons de Clapisson. Après une campagne au casino de Lyon, M. Berthelier
vint enfin débuter à Paris au théâtre des Bouffes-Parisiens, le 5 juillet
1855 (jour de l'ouverture), par le rôle de Giraffier dans les Deux
Aveugles, rôle qui commença sa réputation. Ba-ta-clan, le
Violoneux, le Duel de Benjamin, furent pour lui d'heureuses
créations, et le Rêve d'une nuit d'été le fit engager à l'Opéra-Comique,
sur la recommandation de M. Auber. Sa première apparition sur cette dernière
scène eut lieu dans Maître Pathelin, par un rôle charmant, naïf, mais
difficile, qui le plaça à côté de Sainte-Foy dans l'emploi de trial.
Maître Claude et un certain nombre de créations mirent en relief son
talent vif et sincère, plein de gaieté et de naturel. Quittant
l'Opéra-Comique, il passa au Palais-Royal, où il débuta le 7 février 1863
avec beaucoup de bonheur dans le rôle de Jean Torgnole, de la pièce de ce
nom. Depuis, il a créé, avec un succès toujours croissant, Clovis Ducroquet,
dans l'Oiseau fait son nid, pièce à travestissements qui lui
permettait de figurer un commis aux Villes de France, une vieille
femme et un Anglais ; Antonio, dans le Pifferaro ; Tropasol, dans
l'Histoire d'une patrouille, etc. ; mais c'est surtout par ses
chansonnettes que M. Berthelier s'est acquis la vogue dont il jouit ; ses
créations en ce genre, illustré par Achard et Levassor, et dont il est
aujourd'hui le maître, sont nombreuses ; nous citerons entre autres : le
Docteur Puff, la Cinquantaine, le Vieux braconnier, Ça
m'agace !, C'est ma fille !, l'Humour britannique,
l'Amoureux de la lune, la Chanson de Fortunia (un de ses grands
succès), Pile ou face, le Proverbe de ma fille, Mon Idalia,
Coqu'licot ci, coqu'licot là !, Un vieux farceur, l'Amour
dans tous les pays, la Chanson des gestes, le Baptême du p'tit
Ebéniste, l'Enfant de la Cannebière, Speech, l'Editeur
de musique, Nos danseuses, Deratatatchine !, Miss
Sensitive. Recherché avec empressement dans les hauts salons et les
concerts, M. Berthelier possède en outre un répertoire d'environ deux cents
chansonnettes, pour ainsi dire à l'usage particulier des maisons où il va
porter sa gaieté de bon goût, sa jolie voix et son originalité. Plusieurs
fois appelé à la cour, il a fait les délices des soirées de Vichy. Cet
acteur, justement applaudi, rappelle aux amateurs du théâtre l'excellent
Achard qui n'avait pu encore être remplacé ; talent franc, crâne et plein de
verve, il est un brûleur de planches sans pareil. Chanteur comique de la
bonne école, il a de la distinction, qualité rare qui l'empêche de dépasser
le but et de tomber dans la charge, comme cela arrive trop souvent aux
interprètes des rôles burlesques. Il y a en outre, dans son jeu, une
sincérité, un naturel et une naïveté qui ont un grand attrait. (Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, 1866-1876)
Cet excellent
artiste a passé plusieurs fois des Bouffes-Parisiens, « théâtre » de ses débuts,
au Palais-Royal, et vice versa. Engagé aux Variétés en 1872, il y demeura
jusqu'en 1876 et entra alors à la Renaissance, d'où il sortit, en 1879, pour
entrer aux Nouveautés, où il est encore, à la grande joie du public. Si
nombreuses sont les créations qu'il a ajoutées à celles que nous avons déjà
citées, que nous nous bornerons à énumérer ici les principales. (Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, 2e supplément, 1888)
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Berthelier dans le Petit Duc (Frimousse) lors de la création au Théâtre de la Renaissance en 1878, dessin de Draner
Son père, qui était notaire, en voulait faire un avocat, mais il mourut alors que l'enfant avait douze ans. D'abord commis chez un libraire de Lyon, nommé Ponet, qui jouait le soir les troisièmes rôles au théâtre des Célestins, le jeune Berthelier puisa dans cette ville ses premiers goûts pour le théâtre ! Devenu voyageur en imagerie, dans la maison Pintard de Lyon, il charmait chaque soir les convives de la table d'hôte par ses chansonnettes comiques. Bref, en 1849, il trouva un engagement à Poitiers, comme fort premier ténor, et débuta par le rôle de Fernand de la Favorite. Mais le théâtre ayant fermé ses portes avant la fin de la campagne, Berthelier n'eut d'autres ressources que le café-concert. Après une foule de déboires, le malheureux jeune homme arriva Paris avec... vingt-deux sous dans sa poche. Un agent dramatique, Bizot, qui, par hasard fut le professeur de Mlle Frasey, que lui, Berthelier, devait épouser quinze ans plus lard, Bizot lui conseilla de se présenter au Conservatoire, et lui procura, en attendant, un engagement dans un café-concert de la place de l'Observatoire. En 1851, il a son audition au Conservatoire, mais… il est refusé à l’unanimité. Il chante alors au café Charles et au café des Vosges situés tous deux rue Saint-Denis. Il perd la voix à ce métier, et s'adonne uniquement à la chansonnette. En 1853 et 1854, il chante au Beuglant, rue Contrescarpe, avec un succès étourdissant. Bertall qui l’y avait entendu, le présente dans les salons et notamment chez Mme Orfila. A Lyon, sous le nom de Francisque (?) il fait fureur avec ses chansonnettes au Cercle musical : le Boursier, le Voyage de Lyon à Paris, Qui veut voir la lune ?, un Jeune homme en loterie, etc. Mais, malgré les trente francs qu'il gagnait la par soirée, il préfère revenir à Paris où Clapisson lui donne des leçons. C'est alors qu'Offenbach l’engagea aux Bouffes-Parisiens, où il resta neuf mois. Voici ses créations à ce théâtre : 5 juillet 1855 (inauguration de la salle des Champs-Elysées) : les Deux aveugles (rôle de Giraffier), succès colossal. Juillet 1855 : Une nuit blanche. 29 août 1855 : Une pleine eau. 29 octobre 1855 : Périnette. Septembre 1855 : le Violoneux. Novembre 1855 : le Duel de Benjamin. 25 décembre 1855 (inauguration de la salle du passage Choiseul) : Ba-ta-clan. Le bruit qui se fit alors autour du nom de Berthelier attira l'attention de M. Perrin qui l'engagea à l'Opéra-Comique avec un traité de 7.200 francs. Cette partie de sa carrière (1856-1862) ne nous regarde guère, ne nous occupant pas des chanteurs. Nous rappellerons toutefois qu'elle fût des plus brillantes, et que Berthelier fut un incomparable Aignelet dans Maître Pathelin. En 1858, il fut prêté cependant au Palais-Royal, où il parut avec Mlle Schneider dans Jeune poule et vieux coq (représentation extraordinaire, 11 septembre). Le 7 février 1863, Berthelier débuta au Palais-Royal où il obtint un succès complet dans Jean Torgnole. Plus chanteur que comédien, il apportait à la scène de la verve, de l'entrain, un art consommé dans la chansonnette. 16 mai 1863 : l'Oiseau fait son nid. 23 décembre 1863 : le Pifferaro. 24 décembre 1864 : l'Histoire d’une patrouille. Mais le genre de ce théâtre ne faisait guère son affaire. On n'y chantait pas assez. Il revint donc aux Bouffes en avril 1864, en même temps que Mlle Frasey (Avant la noce), qu'il épousa le 24 juin 1865 et perdit si fatalement le 25 décembre 1865 à la suite d'un accident. Berthelier créa encore aux Bouffes : 21 septembre 1865 : les Refrains des Bouffes. 11 octobre 1865 : les Bergers. 19 octobre 1865 : les Douze innocentes. Rentré au Palais-Royal le 1er février1867, il remplaça Brasseur dans la Vie Parisienne. A l'instar de ses prédécesseurs Achard et Levassor, Berthelier triompha surtout dans la chansonnette, et ne fut jamais qu'un comédien à côté. Le Baptême du P’tit ébéniste et 200 autres chansonnettes établirent sa réputation ; il composa même la musique de quelques-unes sous le pseudonyme de Berthal. C'est ainsi qu'on lui doit par exemple, l'air de la ronde de Jean Torgnole, l'air anglais de l'Oiseau fait son nid, l'air de la chanson de l'Enfant de la Cannebière, etc. Tous les concerts, tous les salons se le disputaient. Il fut appelé à la Cour, fit les délices des soirées de Vichy. Au théâtre, ce n'était guère — comme Achard — qu'un brûleur de planches, au débit précipité. Berthelier parut de nouveau sur la scène des Bouffes dans les pièces suivantes : 30 septembre 1868 : l’Ile de Tulipatan. 19 décembre1868 : Petit Bonhomme vit encore. 28 octobre 1869 : la Revanche de Candaule. 7 décembre 1869 : la Princesse de Trébizonde. 27 avril 1870 : les Bavards (reprise). La guerre venue, Berthelier s'engagea dans les Francs-Tireurs et se battit aux avant-postes de la Folie, près de Pantin. Après le siège, on le porta même pour la médaille militaire. Pendant la Commune, il refusa de suivre ses camarades à Londres et se retira dans son pays. Revenu à Paris en juin 1871, il fit sa rentrée aux Bouffes, le jour de la réouverture, le 16 septembre, dans la Princesse de Trébizonde. Il créa encore à ce théâtre : 23 octobre 1871 : le Testament de M. Crac. 14 décembre 1871 : Boule de neige. 10 février 1872 : le Docteur Rose. Engagé aux Variétés, il y débuta le 13 mai 1872.0 13 mai 1872 : les Cent Vierges. 15 août 1872 : Ne la tue pas !, conférence burlesque. 22 novembre 1872 : la Revue n'est pas au coin du quai. 29 janvier 1873 : les Braconniers. 26 avril 1873 : la Veuve du Malabar. 14 décembre 1874 : les Prés Saint-Gervais. Janvier 1875 : les Chapeaux, conférence. 22 janvier 1875 : les Trente millions de Gladiator. 18 mai 1875 : les Portraits. 27 mai 1875 : le Manoir de Pictordu. 30 juin 1875 : Berthelier chez les Mormonnes, fantaisie à son bénéfice. Ayant appris les désastres causés par les inondations dans le midi de la France, il abandonna généreusement aux inondés la recette totale de la soirée. Cette belle action lui valut une médaille d'honneur qui lui fut décernée le 27 mai 1877 par la Société d'encouragement au bien. Voici un jugement porté sur Berthelier en 1866 : « Il est l'exemple le plus frappant de la volonté de parvenir, lisons-nous dans les Théâtres en robe de chambre ; il est parti de bas, d'un café-concert de la rue Contrescarpe, et en quinze ans, a passé par les Bouffes, le Palais-Royal et l'Opéra-Comique et a chanté dans tous les salons de Paris et dans toutes les villes d'eau d'Europe. Il est arrivé, à force de travail, à conquérir une belle position. En dehors de son théâtre, il se fait vingt-cinq à trente mille francs par an. Propriétaire de quelques immeubles à Montmartre, il excite la jalousie de quelques-uns de ses confrères... Comme la fourmi, il n'est pas prêteur ». P. Mahalin (Triolet du Gaulois) ne fait que paraphraser ces quelques lignes. Berthelier passa encore par la Renaissance, les Nouveautés et la Gaîté. Théâtre de la Renaissance : 18 octobre 1876 : Kosiki, rôle de Xicoco. 3 février 1877 : la Marjolaine, Palamède. 25 janvier 1878 : le Petit Duc, Frimousse. 20 novembre 1878 : la Camargo, Pont Calé. Théâtre des Nouveautés : 18 décembre 1880 : les Parfums de Paris. 27 janvier 1883 : le Droit d'aînesse, Tancrède. 20 mars 1883 : le Premier baiser, Zug. 26 octobre 1883 : le Roi de carreau, Tirechappe. Sa dernière campagne fut celle qu'il fit à la Gaîté : 1886 : le Petit Poucet. 1886 : le Grand Mogol. 31 mai 1887 : le Dragon de la Reine, Cornensac. 22 novembre 1887 : Dix jours aux Pyrénées, Chaudillac. 19 mars 1888 : le Bossu, opéra-comique, Cocardasse. La mort de Berthelier, survenue en septembre 1888, fut annoncée en ces termes, par Eug. Garraud, au Rapport de la Société des artistes, le 24 juin 1889. « S'il faut juger des sympathies qu'un homme a su conquérir, par la grandeur de l'émotion qui se produit à l'heure de son décès, nous pouvons affirmer que Berthelier jouissait de celle de tous les comédiens de Paris... Berthelier n'était pas seulement un artiste d'un incontestable mérite. C'était aussi un travailleur infatigable, cherchant toujours le mieux, dans le bien... Comme membre du Comité, toutes les fois qu'il eut à manifester son opinion ou ses sentiments sur la façon de secourir une misère intéressante, il nous a montré qu'il avait l'intelligence élevée, le cœur généreux, et une grande entente des affaires, ce qui, dans maintes questions, faisait souvent prévaloir son avis. Pour lui donner un dernier témoignage de leur unanime attachement, tous ceux de ses ex-collègues qui se trouvaient à Paris, assistaient à ses obsèques, et c'est entouré par eux, que le président de l'Association, dans un discours où il avait mis tout son cœur, a longuement retracé les qualités de l'homme et de l'artiste. Pauvre Berthelier ! si gai, si bon enfant, c'est au moment où tout lui souriait que l'implacable mort est venue l'enlever à sa femme et à son fils, à ses nombreux amis, en leur laissant à tous d'inconsolables regrets ». En dehors du théâtre, Berthelier avait été bon fils et brave soldat. Dès qu'il eut quelques sous, il alla chercher sa mère en 1853, et la garda près de lui jusqu'à sa mort, le 7 février 1873. Son concours était d'avance acquis à toutes les œuvres de charité, et son plaisir était de garnir son appartement de tableaux de maîtres. Riche de l'argent gagné par son travail, il faisait bien quelques envieux. De là vient peut-être cette réputation d'économe dont on le gratifia un peu trop. Berthelier fut nommé officier d'académie en 1888. Il avait été question, vers 1885, de la publication de ses Mémoires. L'affaire, croyons-nous, n'eut pas de suite. Biographie : Paris-Théâtre, n° 118. 19-25 août 1875. Longue notice par Félix Jahyer. — Foyers et Coulisses, les Variétés, p. 65 et suiv. — Adrien Laroque, Acteurs et Actrices, 1888. Bibliographie : Yveling Ram Baud et E. Coulon, les Théâtres en robe de chambre, p. 225 (1866). — Paul Mahalin, Au bout de la lorgnette, p. 237, 1883.
(Henry Lyonnet, Dictionnaire des Comédiens français, 1912)
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Berthelier dans le Château de Tire-Larigot
Chaque hiver, l'hôtel des ventes est en pleine fête : les collections y défilent les unes après les autres, et le public qui lit à quel chiffre se sont vendus les tableaux peut se figurer que jamais Paris n'a été dans une prospérité plus grande et qu'à aucune époque on n'a vu de plus nombreux amateurs se disputer des toiles à des prix plus fabuleux. C'est une erreur. Le plus souvent, ces prix sont imaginaires ; trois fois sur quatre les acquéreurs sont des amis chargés par le vendeur de pousser l'enchère, et neuf fois sur dix, dans le courant de l'hiver, les toiles, en apparence vendues à un si beau tarif, sont rentrées discrètement au logis après avoir paradé pendant quelques jours dans les salles de l'hôtel des commissaires-priseurs. Si donc on vous raconte que telle collection a rapporté un million, lisez trente ou quarante mille francs, car le reste ne s'est pas vendu, soyez-en bien convaincus. Les hommes qui connaissent le dessous des cartes, les familiers des coulisses de l'hôtel, vous diront comme un seul homme que les ventes de tableaux ne marchent pas toujours bien ; que les amateurs se méfient d'un avenir embrouillé et que les gens qui poussent les tableaux à des prix fabuleux sont le plus souvent des compères chargés de soutenir la vente. Ce métier de pousseur n'est d'ailleurs pas sans danger, témoin cette histoire de Berthelier, avec laquelle on pourrait faire un livret d'opéra-comique, si la situation n'avait pas déjà été exploitée dans la Dame blanche. Le comique bien connu possède à Montmartre une propriété qu'il loue à un peintre. Si vous demandez à Berthelier des nouvelles de son immeuble, vous verrez son front se plisser et son regard s'assombrir, car, pour avoir poussé les enchères, Berthelier est devenu propriétaire malgré lui. L'histoire remonte déjà à pas mal d'années, mais elle n'en est pas moins curieuse. A force de dire des chansonnettes dans les salons, Berthelier avait amassé ses premiers cinquante mille francs quand il eut le malheur de rencontrer un de ses amis d'enfance qui lui dit : — Je bénis le hasard qui te conduit sur mon chemin. Que fais-tu aujourd'hui ? — Rien, je flâne. — Cela te serait-il égal de venir du côté de la place du Châtelet ? — Absolument. — Eh bien, tu vas me rendre un grand service. On vend aujourd'hui la maison de papa ; il me faut un ami pour pousser les enchères. Je serai derrière toi, et tant que je ne n'appuierai pas la main sur ton épaule, tu mettras cent francs de plus. — Très bien, répond Berthelier, je suis à toi. Et voilà les deux amis devant le notaire ; les bougies brûlent. Berthelier, à force de mettre cent francs de plus, arrive à cent mille francs. Il s'arrête, se retourne, regarde son ami d'un œil inquiet ; l'autre lui sourit, et Berthelier met encore cent francs de plus. A cent vingt mille francs, la maison lui est adjugée. Le notaire lui demande ses noms et sa qualité. Berthelier se retourne pour interroger son ami sur la conduite à observer. L'ami a disparu. — Votre nom ? reprend le notaire. A ces mots, le comique comprend enfin quelle responsabilité il a endossée. L'émotion l'étrangle, la colère lui arrache des larmes ; il se voit à la tête d'un immeuble qu'il n'a pas convoité, sans argent pour le payer ; il balbutie des phrases incohérentes... — Votre nom ? répond le notaire. Alors Berthelier éclate ; il veut raconter son histoire pitoyable, expliquer la duperie dont il vient d'être victime, mais il ne parvient qu'à prononcer quelques phrases sans suite. Le notaire rajuste ses lunettes, et d'un ton sévère : — Allons ! finissons-en, s'écrie-t-il, votre nom ? Berthelier perd la tête ; il saute sur le banc ; ses cheveux se dressent sur la tête ; ses yeux lancent des éclairs. — Mais je n'en veux pas de votre maison, s'écrie-t-il, je n'en veux à aucun prix. J'ai surenchéri pour le compte d'un ami. Et, d'une voix étranglée, Berthelier appelle : « Auguste ! Auguste ! » Rien ! Auguste est loin. Même calme du notaire, qui fait comprendre à l'acteur qu'il est le propriétaire d'une maison sise à Montmartre, telle rue, tel numéro. Le pauvre garçon perd tout à fait la tête ; il injurie le notaire, il donne des coups de poing sur la table ; les bougies volent en l'air ; le greffier est inondé d'encre ; les paperasses gisent sur le parquet. — A la garde ! s'écrie le notaire. Les gardes municipaux arrivent et appréhendent Berthelier au collet ; on va le traîner au violon, il se débat contre les sergents de ville ; son cas s'aggrave. Heureusement pour l'acteur, il rencontre sur son passage un avocat qui le connaît. En voyant l'un des deux aveugles des Bouffes entraîné par la force armée, l'avocat intervient. — Pourquoi arrêtez-vous monsieur ? dit-il. — Il est joli, votre monsieur, répond un agent, il se fait adjuger des maisons dont il ne veut pas ; il injurie le notaire ; il est en rébellion contre la police. Ce malfaiteur s'expliquera chez le commissaire. — Mais non, reprend l'avocat, c'est Berthelier, l'artiste des Bouffes. L'acteur se jette dans les bras de ce protecteur, et avec des larmes dans la voix, il raconte son aventure lamentable. On retourne chez le notaire ; Berthelier lui demande pardon de son emportement, il décline ses noms, suivis d'une protestation. Mais rien n'y fait ; il est propriétaire de l'immeuble, qui vaut soixante mille francs et qu'il a payé cent vingt mille. Un procès s'engage. Berthelier est condamné ; propriétaire il est et propriétaire il restera. La maison est d'ailleurs dans un état pitoyable ; elle a besoin de réparations ; il lui faut un architecte, des maçons, des fumistes. Les épargnes du comédien ne suffisent pas ; il emprunte de l'argent, il grève son avenir, et finalement, après s'être ruiné de fond en comble, il trouve un peintre qui consent à louer l'immeuble à la condition que le propriétaire lui fasse construire un atelier. L'architecte revient avec son cortège de maçons, d'ébénistes et de fumistes, et enfin, après avoir payé cent cinquante mille francs, l'acteur récolte le prix de son dévouement à l'amitié ; il loue sa propriété deux mille quatre cents francs par an. Et les plus belles années du pauvre garçon se sont passées à réparer ce désastre. Quand, dans les salons, il imitait un Anglais pour gagner vingt-cinq louis.. c'était pour sa maison ; quand il émargeait à la caisse d'un théâtre, c'était pour sa propriété. Que de larmes répandues sur cet immeuble, qui en est devenu humide ! Et dire que dans le monde des théâtres on considère Berthelier comme un veinard. Que de fois les acteurs m'ont dit, en parlant de leur camarade : — Berthelier ! mais il a gagné une fortune colossale en faisant construire des maisons à Montmartre. Les grandes affaires de Berthelier se bornent à l'achat de la susdite propriété et à une découverte qu'il a faite. L'acteur des Nouveautés est collectionneur : il a chez lui une assez gentille collection de petits tableaux modernes. Mais voilà que tout dernièrement, chez un brocanteur, il avise une vieille toile crasseuse ; une voix secrète lui dit que c'est un Murillo. — Combien ? demande-t-il au marchand. — Cinq cents francs. — Cet homme ne sait pas quel trésor il a dans sa boutique, se dit Berthelier. N'ayons pas l'air... Et d'un ton indifférent, il ajoute : — Trois cent cinquante francs, pas un liard de plus ! — Prenez le tableau tout de même, lui dit le marchand. Et voilà mon Berthelier dans la rue avec son Murillo. Son cœur bat ; il relève la tête avec une certaine fierté : il semble se dire que la Providence lui devait bien cette revanche de l'histoire de sa propriété. Et, rentré chez lui, le comique s'enferme à double tour, dépose le Murillo sur une table, et dit : — A nous deux maintenant ! Il étend sur la toile une mince couche de savon noir et d'essence, et frotte la peinture légèrement. Mais à mesure qu'il frotte, le tableau devient plus ignoble ; bientôt ce n'est plus qu'un amas de boue. Un ami survient. « Mais tu risques d'abîmer ton chef-d’œuvre, dit-il à Berthelier. Le nettoyage d'un vieux tableau demande de grands soins. Il faut aller trouver un restaurateur habile. » Berthelier se le tient pour dit ; il va trouver le restaurateur, qui, moyennant deux cents francs, s'engage à rendre au Murillo son éclat primitif ; il demande huit jours, et chaque matin Berthelier passe chez le restaurateur de tableaux qui lui répond invariablement : — Ça vient ! L'acteur passe une semaine délicieuse. Il rêve les splendeurs de l'Orient. Avec le bénéfice de ce Murillo, pense-t-il, il pourrait se faire construire un palais sur les rives d'un lac quelconque. Au bout de huit jours, on lui livre son Murillo nettoyé ; il paye deux cents francs pour l'opération et se dit : — Voilà un tableau qui me coûte maintenant cinq cent cinquante francs et qui va me payer ma maison de Montmartre. Comme tout s'enchaîne dans la vie ! O Providence ! tes desseins sont mystérieux ! Et, son chef-d’œuvre sous le bras, Berthelier entre chez un des premiers experts de Paris et lui dit : — Combien estimez-vous mon Murillo ? Et l'autre, après avoir contemplé la toile, répond d'une voix grave : — Cela n'a pas de prix ! A ces mots, Berthelier tremble de joie. Son chef-d’œuvre n'a pas de prix : c'est une de ces toiles admirables dont on ne peut pas estimer la valeur ! — Mais enfin, reprend-il d'une voix altérée par l'émotion, à dix mille francs près, combien cela peut-il valoir ? Et l'expert lui répond : — De sept francs cinquante à onze francs. Peut-être quinze francs, si vous trouvez un amateur !
(Albert Wolff, la Gloire à Paris, 1886)
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On n'est pas parfait (par. Joachim Duflot / mus. Ernest Boulanger) chansonnette interprétée par Berthelier de l'Opéra-Comique
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chapelle de la famille Berthelier au cimetière de Montmartre [photo ALF, 2022]