Jean-Baptiste CHOLLET
Jean-Baptiste Chollet, estampe de Pierre-Roch Vigneron (1835)
Jean-Baptiste Marie CHOLLET dit Jean-Baptiste CHOLLET
baryton puis ténor français
(rue Neuve de l'Égalité, Paris ancien 5e, 20 mai 1798 [01 prairial an VI]* – Nemours, Seine-et-Marne, 09 janvier 1892*)
Fils de Jean-Baptiste François CHOLLET, choriste de l’Opéra à partir de 1787, et de Marie Catherine BAZIN, mariés à Paris.
Epouse au Havre, Seine-Inférieure [auj. Seine-Maritime], le 03 mars 1824* Françoise Florentine DEDOME (Paris ancien 5e, 28 juin 1798 [10 messidor an VI]* – av. 1892), fille d'Henry Hubert DEDOME, employé, et de Louise Anne LIARD.
Parents de Marie Florentine CHOLLET dite Mlle MONROSE (Paris ancien 4e, 11 novembre 1816* – Bruxelles, 03 avril 1893), actrice [épouse 1. à Paris ancien 2e le 17 mai 1838* (divorce le 11 avril 1885 transcrit à Paris 2e le 09 mai 1885*) Louis Joseph Adolphe DUHAUTOIRE, employé à la Préfecture ; épouse 2. à Bruxelles en 1885 Jean François Eugène BARIZAIN dit Eugène MONROSE (Paris ancien 4e, 07 avril 1817* – Bruxelles, 1899), acteur, frère de Louis BARIZAIN dit MONROSE fils [époux de Marie DROUART, soprano], demi-frère de Charles BARIZAIN [père d’Eugénie MONROSE, soprano], fils de Claude Louis Séraphin BARIZAIN dit MONROSE (Besançon, Doubs, 06 décembre 1783 – Montmartre, Seine [auj. Paris 18e], 20 avril 1843*), comédien, et de Jeanne COGNIEL (Clermont-Ferrand, Puy-de-Dôme, 31 décembre 1788 – Paris ancien 3e, 24 juillet 1832*).
De sa liaison avec la cantatrice Zoé PRÉVOST (1802–1861), est née Caroline Zoé Eugénie PRÉVOST (Paris ancien 2e, 18 mai 1829* – 29 rue Marbeau, Paris 16e, 27 novembre 1906*), soprano [épouse Félix MONTAUBRY, ténor].
Elève du Conservatoire de Paris, il y obtint en 1814 un 2e encouragement en solfège. Il fut choriste successivement à l'Opéra (1815), au Théâtre-Italien, puis à l'Opéra-Comique, où il débuta le 23 mars 1825 : « Ce jeune homme, qui était précédemment au théâtre du Havre, et que celui de Bruxelles a engagé pour un an, reviendra en avril prochain à l'Opéra-Comique : c'est une excellente acquisition. » (Almanach des spectacles). En 1828, il était sociétaire de l'Opéra-Comique. Après avoir tenu l'emploi des barytons, il prit celui des ténors et chanta avec beaucoup de succès à Paris, à Bruxelles (où il créa en mars 1834 Faust de Pellaert), à La Haye. En 1841, Chollet alla prendre, pendant quelques années, la direction du théâtre de La Haye, puis en 1846, celle du Grand-Théâtre de Bordeaux. Il chanta, en 1852, au Théâtre-Lyrique de Paris.
En 1826, il habitait 24 rue de la Monnaie à Paris 1er ; en 1828, 8 rue de l'Echelle-Saint-Honoré à Paris ; en 1861, 5 rue Saint-Hippolyte à Paris 16e. Il est décédé à quatre-vingt-treize ans, en son domicile, 35 rue de l’Hospice à Nemours.
Sa carrière à l'Opéra-Comique
Il y débuta, salle Feydeau, le 23 mars 1825 dans le Petit Chaperon rouge (Rodolphe).
Il y créa : - salle Feydeau : le 12 août 1826 Marie (Henri) de Ferdinand Herold ; le 10 mars 1827 le Loup-garou (Albéric) de Louise Bertin ; le 09 juillet 1827 les Petits appartements (Grand-duc de Toscane) d'Henri Montan Berton ; le 10 janvier 1829 la Fiancée (Fritz) d'Esprit Auber ; - salle Ventadour : le 20 mai 1829 les Deux nuits (Victor) de François-Adrien Boieldieu ; le 26 septembre 1829 Jenny de Michele Enrico Carafa ; le 28 janvier 1830 Fra Diavolo (Fra Diavolo) d'Esprit Auber ; le 26 octobre 1830 l'Enlèvement de Pierre Zimmerman ; le 03 mai 1831 Zampa (Zampa) de Ferdinand Herold ; le 11 août 1831 le Livre de l'Ermite de Michele Enrico Carafa ; - salle de la Bourse : le 13 octobre 1835 Cosimo d'Eugène Prévost ; le 16 décembre 1835 l'Eclair (Lionel) de Fromental Halévy ; le 09 avril 1836 les Chaperons blancs (Louis, comte de Flandre) d'Esprit Auber ; le 06 août 1836 le Chevalier de Canolle (le Chevalier) d’Hippolyte de Fontmichel ; le 13 octobre 1836 le Postillon de Lonjumeau (Chapelou) d'Adolphe Adam ; le 08 septembre 1837 Guise ou les Etats de Blois (le duc de Guise) de Georges Onslow ; le 31 octobre 1837 Piquillo (Piquillo) d'Hippolyte Monpou ; le 30 mars 1838 le Perruquier de la Régence (Fléchinel) d'Ambroise Thomas ; le 31 octobre 1838 le Brasseur de Preston (Daniel ; Georges Robinson) d'Adolphe Adam ; le 15 avril 1839 les Treize (Hector) de Fromental Halévy ; le 06 mai 1839 le Panier fleuri (Beausoleil) d’Ambroise Thomas ; le 16 novembre 1839 les Travestissements d'Albert Grisar ; le 28 avril 1840 la Perruche de Louis Clapisson ; - 2e salle Favart : le 13 octobre 1842 le Roi d'Yvetot (Josselyn) d'Adolphe Adam ; le 20 avril 1843 le Puits d'amour de Michael William Balfe ; le 10 février 1844 Cagliostro (Cagliostro) d'Adolphe Adam ; le 15 juillet 1844 les Quatre fils Aymon de Michael William Balfe ; le 09 août 1845 le Ménétrier ou les Deux duchesses de Théodore Labarre ; le 08 février 1847 le Sultan Saladin de Luigi Bordèse.
Il y chanta la Fête du village voisin (Henri, 26 mars 1825 et 12 mai 1826) ; le Nouveau seigneur du village (Frontin, 12 mai 1826) ; Joconde (Joconde, 15 mai 1826) ; le Chalet (Daniel) ; Une folie (1843). |
Sa carrière au Théâtre-Lyrique
Il y débuta le 03 novembre 1852 en participant à la première du Postillon de Lonjumeau (Chapelou) d'Adolphe Adam
Il participa également à la première le 05 janvier 1853 du Roi d'Yvetot (Josselyn) d'Adolphe Adam.
Il y créa le 11 avril 1853 le Roi des Halles (duc de Beaufort) d’Adolphe Adam. |
Jean-Baptiste Chollet dans le Postillon de Lonjumeau (Chapelou), gravure de Maleuvre (1836)
Il commença, en 1806, au Conservatoire, des études de solfège et de violon, qui furent interrompues pendant quelques années, puis reprises avec beaucoup d'ardeur. Il obtint un prix de solfège en 1814, mais l'année suivante, le Conservatoire ayant été fermé par les évènements politiques, il entra parmi les choristes de l'Opéra. Sa voix était alors celle d'un baryton. Il chanta aux Italiens, puis au théâtre Feydeau, de 1816 à 1818, et s'engagea ensuite dans une troupe de comédiens de province pour jouer les rôles de Martin. Il fut applaudi dans plusieurs villes, au Havre entre autres, sous le nom de Dôme-Chollet.
A la suite de brillants succès à Bruxelles, il obtint, en 1826, un engagement avantageux à l'Opéra-Comique, et fut admis comme sociétaire en 1827. Il chanta dès lors les rôles de ténor ; Hérold écrivit pour lui Marie, et plus tard Zampa, où il a laissé des souvenirs ineffaçables. Il obtint aussi un grand succès dans la Fiancée d'Auber et Fra Diavolo. Le Postillon de Lonjumeau d'Adam fut pour lui un vrai triomphe.
Devenu libre par la dissolution de la société de l'Opéra-Comique et la ruine de l'administration qui lui succéda, M. Chollet alla jouer dans les grandes villes de province. En 1832, il débuta au grand théâtre de Bruxelles, où il resta deux années. Après un engagement d'une année au théâtre de la Haye, il rentra à l'Opéra-Comique (1835), et fut encore accueilli avec quelque faveur dans l'Éclair, le Chalet, le Brasseur de Preston. En 1840, il quitta le théâtre. Il essaya plus tard, de reparaître dans le Postillon de Lonjumeau, au Théâtre-Lyrique (1852), et revint une dernière fois à la scène en 1872.
La voix de M. Chollet, qui tient le milieu entre celle du baryton et celle du ténor, avait plus de puissance et de douceur que de facilité. Il a dû une grande partie de ses succès à son adresse vocale, à la connaissance parfaite des effets qui plaisent au public, à sa science du point d'orgue.
Les compositeurs dont il rendit les œuvres populaires lui reprochèrent d'y mêler des traits qui en altéraient le caractère. Violoniste habile et compositeur distingué, il a publié, à Paris et à Bruxelles, des romances et des nocturnes, dont plusieurs ont eu du succès.
(Gustave Vapereau, Dictionnaire universel des contemporains, 1858 et 1891)
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Fils d'un choriste de l'Opéra, il fut admis comme élève au Conservatoire de musique, au mois d'avril 1806. Il s'y livra à l'étude du solfège et du violon. Quelque temps après, il interrompit le cours de ses études, le reprit ensuite, et obtint un prix de solfège aux concours de 1814. Le Conservatoire ayant été fermé en 1815, par suite des événements politiques, Chollet entra peu de temps après comme choriste à l'Opéra, puis au Théâtre-Italien, et enfin au théâtre Feydeau, y resta jusqu'en 1818, puis accepta un engagement dans une troupe de comédiens de province. Bon musicien et doué d'une voix agréable, mais peu expérimenté dans l'art du chant, il suppléait aux connaissances qui lui manquaient dans cet art par beaucoup d'intelligence et d'adresse. A cette époque sa voix était plus grave qu'elle ne l'a été plus tard ; son caractère était celui d'un baryton, car ou voit dans le tableau de la troupe du Havre, en 1823, qu'il y était engagé pour jouer les rôles de Martin, de Laïs et de Solié. Il portait alors le nom de Dôme-Chollet. Engagé au théâtre de Bruxelles pour y jouer les mêmes rôles en 1825, il se fit entendre à l'Opéra-Comique, lors de son passage à Paris, y fut applaudi, et obtint un engagement pour l'année 1826, comme acteur aux appointements. Il vint, en effet, prendre possession de son emploi au temps fixé, et ses débuts furent si brillants qu'il fut admis comme sociétaire au renouvellement de l'année théâtrale, en 1827. Les compositeurs s'empressèrent d'écrire pour lui, et dès ce moment il abandonna les rôles de baryton pour ceux de ténor, qu'il chanta exclusivement. Ce fut Herold qui écrivit pour lui le premier rôle de ce genre, dans son opéra de Marie. La Fiancée, Fra Diavolo, Zampa et quelques autres ouvrages sont venus ensuite lui composer un répertoire ; dans toutes ces pièces, il a obtenu de brillants succès, et le public l'a toujours entendu avec plaisir, bien qu'il n'ait pas eu à Paris cette sorte d'attraction qui fait que le nom d'un acteur, placé sur l’affiche, fait envahir par la foule la salle où cet acteur se fait entendre.
Après la dissolution de la société des acteurs de l'Opéra-Comique, Chollet fut engagé par l'administration qui lui succéda ; mais, la ruine de cette entreprise lui ayant rendu sa liberté, il en profita pour voyager et se faire entendre dans les principales villes de France. Engagé comme premier ténor au grand théâtre de Bruxelles, il y débuta au mois d'avril 1832, et y resta jusqu'au printemps de l'année 1834. A cette époque, il s'est rendu à la Haye pour y remplir le même emploi. Au mois de mai 1835, il est rentré à l'Opéra-Comique de Paris, et y est resté pendant quelques années. Plus tard la direction du théâtre de la Haye lui fut confiée, et, pendant le temps de sa gestion, le roi des Pays-Bas le traita avec beaucoup de faveur ; mais tout à coup Chollet abandonna sa position et retourna en France. Depuis lors il a reparu au Théâtre-Lyrique de Paris, mais sans succès. Applaudi avec transport à Bruxelles, Chollet y avait la vogue qui lui manquait à Paris, quoiqu'il fût aimé dans cette dernière ville.
Ce chanteur, doué de qualités qui auraient pu le conduire à un beau talent si son éducation vocale eût été mieux faite, avait plus d'adresse que d'habileté réelle, plus de manière que de style. Quelquefois il saccadait son chant avec affectation ; souvent il altérait le caractère de la musique par les variations de mouvement et la multitude de points d'orgue qu'il y introduisait ; car c'est surtout dans le point d'orgue qu'il tirait avantage de sa voix de tête. Les études de vocalisation lui ont manqué, en sorte que sa mise de voix était défectueuse, et qu'il n'exécutait les gammes ascendantes que d'une manière imparfaite. Malgré ces défauts, le charme de sa voix, la connaissance qu'il avait des choses qui plaisent au public devant lequel il chantait, et son aplomb comme musicien, lui ont fait souvent produire plus d’effet que des chanteurs habiles privés de ces avantages. Chollet a composé des romances et des nocturnes qui ont été publiés à Paris et Bruxelles ; quelques-uns de ces morceaux ont eu du succès.
(François-Joseph Fétis, Biographie universelle des musiciens, 1866-1868)
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Jean-Baptiste Chollet
Admis au Conservatoire dès l'âge de huit ans, dans les classes de solfège et de violon, le jeune Chollet dut bientôt quitter cet établissement et devint enfant de chœur à l'église Saint-Eustache. Après quelques années, il reprit le cours de ses études musicales, travailla avec ardeur et obtint un prix de solfège au concours de 1814. Mais les événements politiques de cette époque ayant amené la fermeture du Conservatoire, Chollet se fit admettre dans les chœurs de l'Opéra, puis chanta aux Italiens et à la salle Feydeau. Il était alors en même temps trombone de la garde nationale et chantre à Saint-Germain-l'Auxerrois ; ce cumul faillit lui coûter cher, si nous en croyons l'aventure suivante racontée par Adolphe Adam : « C'était dans les premières années de la Restauration ; Louis XVIII n'était pas dévot, mais il croyait de sa politique de le paraître, et, voulant donner un exemple édifiant à ses fidèles sujets, il résolut d'aller faire solennellement ses pâques à sa paroisse, Saint-Germain-l'Auxerrois. Sa Majesté descendit péniblement de voiture, et s'apprêtait à entrer dans l'église, lorsque le curé parut à la tête de son clergé, et commença une fort belle harangue ; cela fit faire la grimace au monarque, forcé de se tenir longtemps sur ses jambes, chose qu'il avait en horreur. Il fit d'abord bonne contenance ; mais l'éloquence du curé prenant une extension démesurée, il commença à se dandiner tantôt sur une jambe, tantôt sur une autre. Cette allure bourbonnienne était si connue, qu'on fut loin de la prendre pour une marque d'impatience. Le pauvre roi cherchait autour de lui une figure qui sympathisât avec ses souffrances. Il aperçut enfin le duc de Berry, qui paraissait non moins ennuyé, et lui fit signe de s'approcher : « Berry, c'est terriblement long. – Oui, sire. – Est-ce que ce ne sera pas bientôt fini ? – Sire, je partage toute votre impatience. – Non pas vraiment, car vous avez de bonnes jambes, et moi je ne puis plus tenir sur les miennes. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de finir ce supplice ? – Si fait, sire, rien n'est plus facile, et si vous m'y autorisez. – Oui, Berry ; allez, mais que cela n'ait pas l'air de venir de moi. » Le duc de Berry, s'approchant d'un officier des gardes du corps, lui dit quelques mots à l'oreille. Dès ce moment, le roi eut l'air de prêter une grande attention au discours ; le curé enchanté donnait cours à sa verbeuse éloquence, quand tout d'un coup sa voix est couverte par les boum, boum de la grosse caisse et les mugissements des ophicléides et des trombones... Bientôt Louis XVIII se trouve commodément assis dans un fauteuil doré... Les chantres psalmodient les heures qui précèdent la grand'messe, les prêtres sont dans leurs stalles ; le chœur est presque entièrement vide, lorsqu'un personnage sort par la porte d'une sacristie ; c'est un grand jeune homme maigre, revêtu d'une soutane et d'un surplis ; il traverse rapidement le chœur pour aller se mettre dans une des stalles, mais il s'aperçoit qu'il a oublié de s'incliner devant le tabernacle ; il revient vers l'autel et fléchit le genou sur une des marches. Un bruit singulier se fait entendre : c'est celui d'une épée qui, s'échappant de sa soutane, glisse sur les dalles. Le jeune homme se hâte de cacher l'arme meurtrière recouverte par les habits pacifiques du lévite, et regagne sa place où il entonne tranquillement le verset du psaume que l'on chante. Cette tranquillité est loin d'être partagée par ceux qui entourent le roi. Les visages pâlissent, on chuchote, on donne des ordres, les crosses des fusils retentissent sur le marbre sonore du temple ; on va, on vient, le mot est donné en un instant ; on commence à faire évacuer les bas-côtés, qui se garnissent de troupes ; le roi demande la cause de ce tumulte ; un de ses aides de camp lui parle à voix basse, et bientôt ce mot circule dans toutes les bouches : « Un prêtre armé qui en veut aux jours du roi ! » Cependant le malencontreux auteur de tout ce remue-ménage, dont il ne se doute guère être la cause, continue à psalmodier d'une voix ferme et vibrante, lorsque deux grands officiers s'approchent de lui. L'un d'eux lui dit : « Monsieur, suivez-nous à l'instant. – Pardon, monsieur, je ne puis pas ; je suis nécessaire ici. Quand la cérémonie sera terminée, je suis tout à votre service. » Et il se remet à chanter de plus belle. « Monsieur, il faut nous suivre à l'instant ! je vous le répète, mais tâchons de ne pas faire de scandale. Venez à la sacristie ; toute résistance serait inutile ; ne nous contraignez pas à employer la force. – Puisque je ne puis pas faire autrement, je vous suivrai, mais je vous fais observer que c'est vous qui me forcez à quitter mon poste. » La sacristie est pleine de soldats ; notre jeune homme se voit, en entrant, placé entre deux fusiliers qui ne lui laissent pas faire un geste. « Ah ça ! m'expliquera-t-on ce que cela veut dire ? s'écrie-t-il. – Contentez-vous de répondre à monsieur, » lui dit-on, en lui montrant un homme revêtu d'une écharpe blanche, placé près d'une table à laquelle est assis un autre individu muni de tout ce qu'il faut pour écrire. L'interrogatoire commence : « Vous avez des armes sur vous ? – Des armes ? non, j'ai une épée, voilà tout. – Mettez qu'il avoue être armé. – Pourquoi avez-vous caché si soigneusement cette épée sous votre soutane ? – Parce que l'usage n'est pas de la porter par-dessus. – Monsieur, pas de plaisanteries : songez qu'une accusation grave pèse sur vous, qu'il y va de votre tête. – De ma tête ! Ah ça ! est-ce que c'est une mystification ? Commençons donc à nous entendre. – Votre profession ? – Musicien. – Et pourquoi un musicien se déguise-t-il en prêtre, et cache-t-il des armes sous ces habits d'emprunt ? – Ces habits sont les miens, et cette épée m'appartient ; je suis trombone de la garde nationale et chantre de cette église : j'attendais la fin du discours de M. le curé pour venir, après la fanfare, me déshabiller ici, et chanter mon office ; mais on ne l'a pas laissé finir, ce brave homme ; on nous a dit de jouer au milieu de son sermon, et quand je suis accouru ici, je n'ai eu que le temps de passer ma soutane par-dessus mon uniforme. Et maintenant, avec votre permission, je vais l'ôter tout à fait, car l'office est presque fini, et ma légion me réclame. » Ici la scène change : les juges se mettent à rire ; le procès-verbal commencé est déchiré, et l'accusé partage bientôt l'hilarité de ces messieurs en apprenant que lui, pauvre diable, a été pris pour un conspirateur et a failli mettre le gouvernement en émoi... Le roi, instruit de la cause futile de tout ce tumulte, a grand' peine à tenir son sérieux. En sortant de l'église, il cherche à reconnaître parmi le groupe de musiciens celui qui a causé tant d'inquiétude, et l'aperçoit les joues gonflées comme un Borée de dessus de porte, soufflant avec ardeur dans son trombone. Le roi sourit de nouveau, et lui fait en partant un petit signe de tête, comme pour le remettre de l'émotion qu'a dû lui causer sa courte arrestation. »
Dès cette époque, Chollet avait complété ses études vocales. En 1818, il se joignit à une troupe de comédiens de province, et joua en Suisse et au Havre les rôles du répertoire de Martin, sous le nom de Dôme-Chollet. Après un début à Paris, il alla à Bruxelles, où l'attendaient les plus brillants succès. Engagé à notre Opéra-Comique en 1826, il en devint sociétaire en 1827, et chanta, à dater de ce moment, tous les rôles de ténor. Herold composa à son intention Marie, et plus tard Zampa, qui fournit au chanteur l'occasion d'un beau et légitime triomphe. Il ne réussit pas moins dans la Fiancée, les Deux Nuits, Fra Diavolo. Enfin le Postillon de Lonjumeau, d'Adolphe Adam, mit le sceau à sa réputation. C'est cette dernière création qui a le plus contribué à rendre son nom populaire.
La Société de l'Onéra-Comique ayant été dissoute, et la déconfiture de l'administration qui lui succéda laissant les artistes sans emploi, M. Chollet se mit à parcourir les départements. Il parut à Bruxelles en 1832 et puis il signa un engagement d'une année avec le théâtre de La Haye, et enfin rentra à l'Opéra-Comique en 1835. L'Eclair et le Chalet lui firent retrouver une partie des applaudissements d'autrefois ; mais il fut moins heureux dans la plupart des autres créations qu'on le vit successivement aborder. N'oublions pas toutefois de citer le Brasseur de Preston, un de ses bons rôles durant cette période de sa carrière artistique. En 1840, il s'éloigna de la scène, et n'y reparut qu'en 1852 dans une reprise du Postillon de Lonjumeau, au Théâtre-Lyrique. L'accueil qui lui fut fait alors par le public ne pouvait l'engager sérieusement à quitter sa retraite ; il eut le bon esprit d'y retourner et de n'en plus sortir.
C'est surtout à une certaine habileté de vocalisation que M. Chollet a dû de réussir devant un public dont il saisissait, avec un tact merveilleux, les goûts passagers. La recherche des effets qui enlèvent le succès semble avoir été sa préoccupation la plus constante, et il poussait si loin cette recherche que les compositeurs mêmes dont il popularisait les ouvrages lui reprochèrent parfois d'y introduire des éléments qui en dénaturaient le caractère artistique. Souvent affecté et mignard, il efféminait la phrase musicale ou saccadait le chant, ou bien encore altérait les mouvements et le caractère de la mélodie, et y introduisait, bon gré mal gré, des traits et des points d'orgue d'un goût contestable, dans lesquels il faisait abusivement et par vanité sonner sa voix de tête. Chollet a peut-être trop souvent oublié que l'artiste a pour mission d'élever les foules jusqu'à lui, qu'il ne doit jamais descendre jusqu'à elles. L'oubli des uns et l'indifférence des autres ont pu lui faire regretter de n'avoir pas établi sa renommée sur des bases plus durables. Sa voix avait à la fois beaucoup de douceur et une grande puissance ; elle tenait le milieu entre le ténor et le baryton.
On doit à M. Chollet, qui s'est fait une réputation de violoniste et de compositeur, des romances et des nocturnes publiés à Paris et à Bruxelles, et dont plusieurs ont obtenu du succès.
(Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, 1866-1876)
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