Paul LHÉRIE

 

Paul Lhérie dans le Bravo (Lorenzo de Montfort) en 1877

 

 

Paul LÉVY devenu LÉVY DIT LHÉRIE dit Paul LHÉRIE

 

ténor puis baryton français

(Paris, 07 octobre 1844* – Paris 9e, 17 octobre 1937*), enterré au cimetière parisien de Pantin puis transféré le 23 juin 1938 au Père-Lachaise (93e division).

 

Fils de Léon Victor LÉVY dit Victor LHÉRIE (Paris, 04 mai 1808 – Paris ancien 8e, 27 mars 1845), acteur et auteur dramatique [frère de BRUNSWICK, vaudevilliste], et de Marie Joséphine VERBRUGGHE ( ap. 1866).

Epouse 1. à Paris 10e le 09 mai 1866* Clémence Alexandrine ABAZAËR (Paris, 30 juin 1841 – av. 1904), professeur de piano.

Epouse 2. à Paris 9e le 02 mars 1933* Marthe CAUX (1876–1943), cantatrice.

Père de Jeanne-Victorine LÉVY DIT LHÉRIE [1] (Paris 9e, 15 mai 1867* ), élève de piano au Conservatoire [épouse à Paris 16e le 26 octobre 1933* Raynald Louis Henri LEGOUËZ] ; de Victor Joseph LÉVY DIT LHÉRIE [1] (Paris 9e, 22 juillet 1869* 43 rue du Mont-Cenis, Paris 18e, 05 décembre 1937*), commis des douanes puis remisier [épouse à Paris 18e le 26 novembre 1904* (divorce le 11 avril 1907) Marie Loreta TULLIO ; remariés à Paris 18e le 29 mars 1934*].

De sa liaison avec Victoria DUMSDAY (New York, 1859 ), sont nés : Gaston-Paul DUMSDAY reconnu le 08 janvier 1886 LÉVY DIT LHÉRIE (Paris 9e, 10 juillet 1880* ), élève de piano au Conservatoire ; Marie DUMSDAY reconnue le 08 janvier 1886 LÉVY DIT LHÉRIE (Paris 9e, 02 janvier 1882* ), musicienne [épouse à Paris 16e le 05 octobre 1905* Antoine Gabriel VALENCIENNES].

 

 

Né d’une famille israélite qui avait obtenu l’autorisation de changer son nom de Lévy en celui de Lhérie. Son père, Victor Lhérie, avait débuté au Théâtre des Variétés en 1826 et était mort fou en 1845 ; avec son frère Brunswick, il avait écrit un certain nombre de vaudevilles.

Elève de Morin et d’Obin au Conservatoire de Paris, Paul Lhérie y obtint un 2e accessit d’opéra-comique en 1865. Il débuta à l’Opéra-Comique le 23 février 1866, et y chanta jusqu’en 1868. Il se produisit ensuite à Marseille, à la Monnaie de Bruxelles où il chanta le 18 octobre 1870 la première de l’Ombre (Fabrice) de Flotow, et le 05 février 1871 celle du Billet de Marguerite (Reinhold) de Gevaert, de nouveau à l’Opéra-Comique de 1872 à 1875, où il créa le rôle de Don José dans Carmen le 03 mars 1875. En 1877, à l’Opéra-National-Lyrique de la Gaîté, il créa le 18 avril le Bravo (Lorenzo de Montfort) de Gaston Salvayre, et chanta le 07 novembre Si j’étais roi ! (Zéphoris) ; cette année-là, il chanta également en Russie. Ayant de la peine à soutenir la tessiture de ténor, il chanta les rôles de barytons à partir de 1882. C'est ainsi qu'il se produisit à Barcelone en 1882 où il chanta Hamlet (Hamlet) ; en Italie, à la Scala de Milan où il créa en 1884 la version révisée de Don Carlo (Sposa) ; en Espagne ; au Covent Garden de Londres en 1887 où il chanta les Pêcheurs de perles (Zurga), la Traviata (Germont), Rigoletto (Rigoletto). Il chanta de nouveau à l’Opéra-Comique en 1890 et 1891. A Rome en 1891, il interpréta Otello (Iago) aux côtés de Tamagno, et créa au Teatro Costanzi le 31 octobre l’Amico Fritz de Pietro Mascagni. A Monte-Carlo, il créa le 04 mars 1894 Hulda (Gudleik) de César Franck. Il fut ensuite professeur de déclamation lyrique au Conservatoire de Paris (classe d'opéra-comique, 01 novembre 1897 – 1901 ; classe d'opéra, 01 octobre 1901 – démission en octobre 1905). Il eut de nombreux élèves, parmi lesquels Marthe Caux, qui fit carrière à l’Opéra-Comique, et qui devint plus tard sa seconde épouse. Le 09 juillet 1932, il fut nommé chevalier de la Légion d’honneur.

En 1867, il habitait 9 rue Saint-Georges à Paris 9e ; en 1869, 12 avenue Trudaine à Paris 9e ; en 1904, 69 rue de Douai à Paris 9e ; en 1932, 15 rue de Navarin à Paris 9e, où il est décédé à quatre-vingt-treize ans.

 

 

 

Sa carrière à l'Opéra-Comique

 

Il y débuta le 23 février 1866 dans l'Ambassadrice.

 

Il y créa le 15 août 1866 la cantate les Moissonneurs de Ferdinand Poise ; le 12 juin 1872 la Princesse jaune (Kornélys) de Camille Saint-Saëns ; le 30 novembre 1872 Don César de Bazan (Charles II) de Jules Massenet ; le 24 mai 1873 le Roi l’a dit (Benoît) de Léo Delibes ; le 25 février 1874 le Florentin (Angelo Palma) de Charles Lenepveu ; le 03 mars 1875 Carmen (Don José) de Georges Bizet ; le 13 mai 1890 Dante (Simeone) de Benjamin Godard.

 

Il y chanta la première le 05 juin 1868 des Dragons de Villars (Sylvain) d’Aimé Maillart, dont il chanta la 100e, le 17 mai 1874.

 

Il y chanta Joseph (Ruben, 1866) ; Roméo et Juliette (Roméo, 1873) ; le Pardon de Ploërmel (Corentin) pour la 100e le 26 septembre 1874.

 

 

 

 

Paul Lhérie au 3e acte de Carmen (Don José) lors de la création, lithographie d'Antonin Chatinière (1875)

 

 

 

 

Paul Lhérie au 3e acte de Carmen (Don José) lors de la création

 

 

 

 

Élève du Conservatoire, il débuta en 1868 dans les Dragons de Villars et ne figurait alors qu'au troisième plan des seconds ténors, à distance respectueuse de Capoul et d'Achard. Il disparut bientôt et alla se fortifier à Lyon et à Bruxelles.

Le voilà revenu... premier sujet, non par droit de conquête, mais par la volonté de son directeur. Il fait ce qu'il peut. Il a de l'ardeur — et 45,000 fr. par an.

(le Théâtre de l’Opéra-Comique, Jules Prével, le Figaro, 17 janvier 1875)

 

 

Cour d’Appel : Les deux femmes de M. Lhérie. — Nouvelles judiciaires.

Hier, s'est joué, devant la 1re Chambre de la Cour d'appel, le dernier acte du procès en bigamie dont le chanteur Lhérie, engagé pour cet hiver à l'Opéra-Comique, a été le héros.

J'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion de parler des deux voix et des deux femmes de M. Lhérie.

Sentant l'âge venir, M. Lhérie, après dix années d'une belle carrière comme ténor, se transforma assez spirituellement en baryton et c'est sous cette incarnation que nous l'applaudirons bientôt. Mais le temps n'avait pas, semble-t-il, atténué dans la vie privée les ardeurs de l'ancien ténor, car M. Lhérie, quoique marié à une demoiselle Abazaër, rencontra à Milan, vers 1870, une jeune actrice américaine, miss Victorine Dumsday, dont il s'éprit follement.

Que se passa-t-il ?

Ici les versions diffèrent. M. Lhérie prétend que Mlle Dumsday ne tarda pas à devenir sa maîtresse, mais la fille du Nouveau-Monde proteste avec énergie et affirme que tout en vivant sur le pied de la plus complète intimité avec l'artiste, ce qui est admis par les mœurs américaines, elle a résisté à toutes ses obsessions.

Il faut ajouter que c'est ce qui a été plus tard admis par la justice.

Quoi qu'il en soit, qu'il ait eu l'intention de légitimer une liaison antérieure ou de vaincre les résistances de la jeune fille, M. Lhérie voulut couvrir cette singulière situation d'un semblant de mariage civil et religieux.

Il apprit qu'une certaine Eglise réformée d'Ikoloszwar, en Transylvanie, offrait à cet égard des facilités bien plus grandes encore que le célèbre forgeron de Gretna-Green.

Partir pour Ikoloszwar avec Mlle Dumsday, y acquérir droit de bourgeoisie, faire transformer en divorce, par un tribunal des causes matrimoniales qui tient de l'opérette, le jugement de séparation de corps obtenu contre lui par sa première femme, abjurer la religion catholique et contracter avec son amie un nouveau mariage, tout cela fut pour l'expéditif Lhérie l'affaire d'une quinzaine.

Il faut avouer que l'Eglise universelle réformée d'Ikoloszwar est une belle institution ; elle répand, paraît-il, des prospectus dans le monde entier à l'usage des forçats du mariage pressés de briser leurs chaînes, et c'est une même famille qui fournit à la fois le directeur à l'agence de renseignements, le juge au tribunal et le pasteur à l'autel. Avis aux intéressés !

 

La lune de miel ne dura pas longtemps, et le volage Lhérie abandonna sa seconde femme, comme il avait fait de la première.

C'est dans ces circonstances qu'il a été condamné à payer une pension alimentaire à Mlle Dumsday, sa seconde femme, dont le mariage avait d'ailleurs été annulé pour cause de bouffonnerie, mais qui restait avec deux enfants.

C'est la quotité de cette pension qui était hier en cause devant la Cour d'appel. M. Lhérie exposait qu'il avait double charge, étant déjà obligé de servir une forte rente à sa première femme. Il énumérait ses faibles ressources, presque absorbées, disait-il, par les obligations résultant de ces deux unions successives, et il priait la Cour de ne pas l'étrangler tout à fait entre ses deux femmes, l'épouse légitime... et l'autre.

La 1re Chambre, statuant sous la présidence de M. Lefebvre de Viefville, et après deux intéressantes plaidoiries de Mes Maurice Tézenas et Clunet, a fixé définitivement à 500 francs par mois la pension de Mme Lhérie n° 2.

Mme Lhérie n° 1 touche à peu près la même somme.

Tous les feux de l'ex-ténor passeront à ces rentes de l'amour.

(le Figaro, 26 octobre 1889)

 

 

Chant, déclamation lyrique. — Jeunes gens, jeunes filles que le théâtre attire, vous pouvez tous chanter. Suivez les leçons de Mme Marthe Caux, de l'Opéra-Comique, membre de l'Union professionnelle des Maîtres du Chant français, élève et disciple du maître Paul Lhérie, lequel prodigue ses précieux conseils à tous ses élèves. Rééducation des voix altérées ou faussées par fatigue ou mauvaise technique. Succès vocal certain. 15, rue de Navarin, Paris (9e arr.).

(Comœdia, 20 février 1928)

 

 

 

 

 

En dépit de son grand âge, 94 ans, la mort de Paul Lhérie nous a frappés comme une chose inattendue. Il paraissait bâti d'un ciment indestructible ; son exceptionnelle constitution semblait défier la mort. Hélas ! elle a toujours le dernier mot.

 

Cet homme magnifique, ce chêne si robuste, le voila à son tour abattu par le destin mais quels fruits artistiques, quel exemple ne nous laisse-t-il pas ?

 

Lhérie appartient à cette haute lignée d'artistes lyriques qui nous a donné : Victor Maurel, Emma Calvé, toujours vivante ; Lucien Fugère, encore si près de nous ; Maurice Renaud, Saleza, et ceux encore sur la brèche, tous artistes véritables, chez lesquels l'interprétation prévaut sur la puissance vocale, comme l'esprit sur la matière.

 

Dans le souvenir des hommes, ceux-là marquent davantage. Une voix est toujours remplacée par une autre aussi belle, l'artiste véritable laisse en revanche une tradition personnelle qui, d'une génération à une autre, exerce son influence bénéfique sur l'art lui-même.

 

Il suffisait de connaître Paul Lhérie, de l'avoir vu enseigner, de l'entendre analyser un personnage pour deviner l'interprète émotif, l'artiste frémissant, le tragédien fougueux qu'il devait être et le dynamisme que son tempérament devait prêter au rôle de Don José, qu'il créa en 1875, dans lequel, affirmait Fugère, son interprétation demeure inégalée.

 

En 1932 seulement, le Ministre des Beaux-Arts, réparant une longue injustice, apportait à Paul Lhérie la croix de la Légion d'honneur, qu'aucun artiste n'avait plus que lui méritée.

 

Deux ans plus tard, nous fêtions, entre artistes, les 90 ans de notre Doyen. Autour de lui se pressaient M. André Bloch, représentant le Ministre des Beaux-Arts ; notre chef Fugère, M. Albert Carré, directeur honoraire de l'Opéra-Comique ; M. Martinelli, président de l'Union des Artistes, et un grand nombre de ses élèves et de ses camarades.

 

Lhérie, ému aux larmes, dit alors, avec cette modestie qui le caractérisait : « C'est aujourd'hui le plus beau succès de ma carrière. » Il disait vrai, puisque c'était la consécration de tous ses succès précédents.

 

Cependant, au-dessus de sa valeur professionnelle, je veux dire, en dernier hommage à l'ami que je perds, moi qu'il appelait « son fils artistique », je veux dire l'homme de cœur qu'il était ; je veux rappeler que sous sa nature impérieuse et volontaire, Lhérie cachait une sensibilité exquise, une générosité sans limites, une naïveté d'enfant. Ces qualités rares, ajoutent leur beauté morale à l'image de celui que nous pleurons.

 

Au nom des artistes lyriques, au nom des membres de l'Union des Maîtres de Chant Français et de l'Académie du Chant, dont il faisait partie, j'apporte à Paul Lhérie, notre Doyen, l'adieu suprême de ses camarades, de ses élèves, de ses admirateurs.

 

En leur nom, je m'incline devant la douleur de sa veuve, notre chère camarade : Marthe Caux-Lhérie, en l'assurant de notre affection et de notre dévouement.

 

(E. Thomas-Salignac, Lyrica, avril-octobre 1937)

 

 

 

 

 

une lettre de Paul Lhérie

 

 

 

 

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